Qu’est-ce que la norme REACH pour les textiles ?

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Colorants, apprêts, résines, retardateurs de flamme, imperméabilisants… Un produit textile peut mobiliser plusieurs dizaines de substances chimiques au cours de sa fabrication. En Europe, l’usage de ces substances est encadré par un texte central : le règlement REACH. Pour un industriel du textile, comprendre ce que signifie REACH et comment il s’applique aux vêtements, tissus techniques ou EPI, c’est une condition d’accès au marché européen. Non-conformité rime avec blocage à la mise sur le marché, rappels produits, sanctions et risque d’image.
norme REACH

Norme REACH : de quoi parle-t-on dans le textile ?

Qu’est-ce que la norme REACH pour les textiles ?

REACH est le sigle de Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals. Il s’agit du règlement (CE) n°1907/2006, en vigueur depuis 2007, qui fixe le cadre de gestion des substances chimiques dans l’Union européenne.

Ses objectifs principaux :

  • protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques,
  • responsabiliser les entreprises (fabricants, importateurs, utilisateurs en aval) sur la maîtrise de ces risques,
  • harmoniser les règles au sein de l’UE pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

Les textiles sont concernés à double titre :

  • via les substances utilisées en tant que telles (colorants, auxiliaires, résines, etc.),
  • via les “articles” textiles mis sur le marché (vêtements, linge, textiles techniques, chaussures…).

Comment REACH s’applique concrètement aux produits textiles ?

REACH ne crée pas une “norme textile” unique, mais un cadre d’obligations qui impacte directement les industriels de la filière.

1. Substances de très haute préoccupation (SVHC)

Certaines substances sont identifiées comme Substances of Very High Concern (SVHC) : cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, persistantes, bioaccumulables, etc.

  • Lorsqu’une SVHC figure sur la liste candidate, tout article la contenant à plus de 0,1 % masse/masse doit faire l’objet d’une information spécifique à destination des clients B2B et, sur demande, des consommateurs.
  • Certaines SVHC peuvent ensuite être placées sur la liste d’autorisation : leur usage n’est plus possible sans autorisation explicite, dans des conditions strictes.

Pour les textiles, cela vise par exemple certains phtalates, retardateurs de flamme, solvants, métaux lourds, colorants spécifiques.

2. Restrictions d’utilisation (Annexe XVII)

REACH comporte une Annexe XVII qui liste les restrictions d’utilisation pour certaines substances dans des produits ou usages donnés.

Pour le textile, un texte clé est l’entrée 72 de l’annexe XVII, qui restreint l’usage de 33 substances CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) dans les vêtements, textiles et chaussures destinés au grand public, avec des limites de concentration à ne pas dépasser.

D’autres restrictions concernent par exemple :

  • le chrome VI dans le cuir,
  • certains phtalates dans les articles souples,
  • des substances sensibilisantes cutanées dans les textiles, le cuir, la fourrure.

3. Rôle des industriels textiles dans REACH

En fonction de leur position dans la chaîne, les acteurs textiles peuvent être :

  • utilisateurs en aval (teinturiers, ennoblisseurs, confectionneurs utilisant des produits chimiques déjà enregistrés),
  • importateurs d’articles (vêtements finis, chaussures, textiles techniques),
  • parfois fabricants de substances ou de mélanges.

Dans tous les cas, ils doivent s’assurer :

  • que les substances et mélanges utilisés sont enregistrés et utilisables pour leurs conditions d’emploi ;
  • que les articles mis sur le marché respectent les restrictions et obligations d’information (SVHC > 0,1 %, etc.).

Pour une présentation claire du cadre général, on peut se référer au règlement REACH présenté par le ministère français de la Transition écologique, qui rappelle les objectifs, le fonctionnement et le champ d’application de REACH dans l’UE : le règlement REACH présenté par le ministère de la Transition écologique.

Substances restreintes, alertes et contrôles : ce que REACH change pour la filière textile

REACH n’est pas un texte théorique : il s’accompagne de contrôles et d’alertes régulières sur les produits textiles.

  • Selon les données de l’Agence européenne pour l’environnement, une moyenne d’environ 50 à 60 alertes par an est liée à la présence de substances restreintes dans des produits textiles au sein de l’UE.
  • Des travaux menés sous l’égide de la Commission montrent que, si la majorité des articles sont conformes, des lacunes de mise en œuvre de REACH persistent sur certains segments textiles et chaussures.

En parallèle, les agences sanitaires (ANSES en France, KEMI en Suède…) ont proposé de nouvelles restrictions visant à limiter ou interdire davantage de substances allergisantes dans les textiles, cuir, fourrure et peaux, pour mieux protéger les consommateurs.

Pour la filière, cela se traduit par :

  • une liste croissante de substances surveillées ;
  • des exigences de plus en plus fortes pour les fournisseurs de chimie textile ;
  • un besoin de traçabilité chimique le long de la supply chain.

Quelles obligations pour un industriel textile vis-à-vis de REACH ?

En pratique, un industriel textile doit structurer sa démarche autour de quelques blocs.

1. Cartographier les substances et mélanges utilisés

  • recenser les produits chimiques utilisés (colorants, agents d’ennoblissement, apprêts, colles, auxiliaires…) ;
  • vérifier auprès des fournisseurs que les substances sont enregistrées et qu’elles peuvent être utilisées pour les usages déclarés ;
  • identifier la présence potentielle de SVHC ou substances soumises à restriction.

2. Sécuriser la conformité des articles

Pour les vêtements, chaussures, textiles techniques :

  • vérifier le respect des limites de concentration des substances restreintes (Annexe XVII, entrée 72 et autres entrées pertinentes) ;
  • mettre en place des plans de contrôle (tests en laboratoire, audits fournisseurs) ;
  • être capable de fournir l’information obligatoire sur les SVHC > 0,1 % aux clients et, sur demande, aux consommateurs.

3. Documenter et tracer

  • conserver les fiches de données de sécurité (FDS), certificats et rapports de tests ;
  • structurer l’information dans un système (ERP, PLM, base fournisseurs) ;
  • intégrer REACH dans le système de management qualité et RSE (procédures, audits, indicateurs).

4. Anticiper les évolutions

  • suivre l’actualisation de la liste candidate et de l’Annexe XVII ;
  • maintenir un dialogue actif avec les fournisseurs de chimie pour anticiper les substitutions ;
  • s’aligner avec les travaux de la Commission sur les textiles durables et circulaires, qui renforceront encore les contraintes sur certaines substances.

REACH, contrainte réglementaire ou levier de compétitivité ?

La norme REACH pour les textiles est souvent perçue comme un ensemble d’obligations lourdes. C’est vrai qu’elle implique :

  • de la complexité technique (listes de substances, limites, tests),
  • des coûts de mise en conformité (analyses, substitutions),
  • de la rigueur documentaire.

Mais pour un industriel français ou européen, REACH est aussi :

  • un filtre à bas coût environnemental et social, qui renforce le positionnement de l’UE sur la sécurité des produits ;
  • un argument commercial pour les donneurs d’ordre qui cherchent des partenaires fiables et conformes ;
  • un moteur d’innovation chimique (substitution, procédés plus propres, textiles plus sûrs).

Les entreprises qui auront réussi à intégrer REACH dans leur stratégie produit, achats et qualité se trouveront mieux armées pour gérer les durcissements réglementaires à venir (PFAS, allergènes, nouveaux CMR) et consolider leur avantage compétitif sur le marché européen.


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